Volume 30 : Chapitre 6, Serment 31–40
Serment 31
Au cours de sa conversation avec Shin’ichi, le président Gorbatchev fit part de ses sentiments en toute franchise : « En ce qui me concerne, dit-il, je considère que tous les sujets peuvent être abordés. Parlez librement de ce que vous voulez. Je ferai de même.
« Dans le passé, la plupart de mes dialogues avec des Japonais ont été plutôt stéréotypés. Mais je pense que si nous nous mettons à travailler ensemble dans un esprit de collaboration, nous saurons résoudre tous les problèmes que nous pourrions être amenés à rencontrer. Quand des représentants de deux grands peuples se réunissent, s’ils se concentrent uniquement sur des prérequis ou se lancent des ultimatums, rien ne peut s’accomplir. »
À travers ces mots, Shin’ichi sentit combien le président Gorbatchev était attaché au dialogue.
Un dialogue est fructueux quand les deux parties mettent de côté les attributs liés au pouvoir et au statut pour aborder en profondeur toutes sortes de problèmes, et exprimer ouvertement leurs points de vue. Il ne faut jamais entamer un dialogue en ayant décidé au préalable de son issue. C’est en discutant de chaque élément en détail, avec souplesse et persévérance, que s’ouvre une nouvelle voie pour l’avenir.
La conversation entre le président Gorbatchev et Shin’ichi dura environ soixante-dix minutes.
Cette entrevue fit immédiatement l’objet de comptes rendus dans le monde entier. Elle fut largement couverte en Union soviétique par Radio Moscou, par le journal du Parti communiste, La Pravda, et par le journal officiel du gouvernement Izvestia.
L’annonce de la visite du président Gorbatchev au Japon apporta un nouvel éclairage positif sur les relations soviéto-japonaises, qui se trouvaient dans une impasse depuis de nombreuses années.
Dans la soirée, la rencontre des deux hommes et la prochaine visite du président Gorbatchev au Japon furent annoncées par la NHK, le réseau de chaînes publiques au Japon, ainsi que par d’autres chaînes de télévision et de radio. Tous les journaux nationaux en firent leur une.
L’année suivante, en avril 1991, le président Gorbatchev vint au Japon, comme il l’avait promis.
Shin’ichi rendit une visite de courtoisie au dirigeant soviétique à la maison des hôtes d’État, à Tokyo. Enchantés de se retrouver, les deux hommes engagèrent un dialogue animé. Shin’ichi félicita sincèrement le président Gorbatchev pour son courage, qui l’amenait à sacrifier son confort personnel afin de mener le rude combat de la perestroïka pour le bien de l’Union soviétique et de l’humanité. Tous deux exprimèrent leur fort espoir d’une amitié durable entre leurs deux pays, une amitié qui s’élèverait comme un soleil éclatant illuminant l’avenir.
Serment 32
« Vive Mandela ! ».
En ce 31 octobre 1990, on pouvait entendre résonner ces acclamations lancées par quelque 500 jeunes rassemblés devant le siège du journal Seikyo, à Tokyo. Shin’ichi Yamamoto, aux côtés de représentants du département de la jeunesse, accueillit Nelson Mandela, le chef du mouvement anti-apartheid de l’Afrique du Sud et le vice-président du Congrès national africain (ANC), et engagea un dialogue avec lui.
Défenseur des droits humains, Mandela avait été incarcéré pendant dix mille jours – soit plus de vingt-sept années –, mais, en définitive, il remporta la victoire dans sa lutte contre la discrimination. L’année suivante [1991], il devint le président de l’ANC, et, en 1994, il fut élu président de l’Afrique du Sud au cours de la première élection du pays ouverte à tous les habitants, sans discrimination fondée sur les origines ethniques.
« Je vous accueille avec le profond respect dû à un héros du peuple ! » s’exclama Shin’ichi au moment où Mandela sortait de sa voiture.
Le dirigeant sud-africain répondit avec un sourire chaleureux : « C’est pour moi un grand honneur de vous rencontrer. Je m’étais dit que, si un jour j’allais au Japon, il faudrait que je vous rencontre. »
Au début de leur conversation, Shin’ichi remercia chaleureusement Mandela d’être venu le voir, et il félicita sincèrement le chef de l’ANC pour son combat : « Vous avez démontré que la justice finit toujours par triompher. Vous avez insufflé du courage aux peuples du monde entier. »
En prison, Mandela avait mis en place un système permettant aux prisonniers de partager entre eux leur savoir-faire et leurs compétences. Il dut lutter contre d’innombrables obstacles pour réussir à élargir les droits des prisonniers politiques, afin qu’ils aient la possibilité de s’instruire durant leur incarcération. Il remporta ainsi la victoire sur ce qu’il appelait la tendance de la prison à détruire l’esprit des êtres humains, à nier l’intelligence et à transformer les détenus en des sortes de robots1.
À propos de la lutte de Mandela en prison, Shin’ichi dit : « Il est particulièrement remarquable que vous ayez transformé la prison en un lieu de formation, créant ainsi en quelque sorte une “université Mandela”. Je suis profondément touché par la passion avec laquelle vous avez toujours défendu l’éducation, où que vous soyez, et par votre lutte persévérante pour vous améliorer. »
Ceux dont la détermination à s’améliorer est indéfectible trouvent toujours le moyen de continuer d’apprendre, où qu’ils se trouvent.
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Mandela répondit aux éloges de Shin’ichi. « Merci pour votre accueil chaleureux, lui dit-il. Vous êtes connu dans le monde entier, M. Yamamoto, y compris dans mon pays. Votre rôle en tant que dirigeant d’une organisation qui crée des valeurs durables pour l’humanité et qui utilise ces valeurs pour réunir les êtres humains est de toute première importance dans le monde.
« J’ai voulu vous rencontrer dès l’instant où j’ai entendu parler de vous et de la SGI, ajouta-t-il avec un sourire, et, maintenant que je suis au Japon, je ne pouvais pas partir sans vous voir. »
« Ma rencontre avec vous est pour moi une source de lumière, de force et d’espoir », dit-il encore, les yeux brillants.
Les grands dirigeants accordent la plus grande valeur au dialogue, et en tirent le meilleur parti pour favoriser l’essor et le développement.
Après avoir remercié Mandela pour ses paroles bienveillantes, Shin’ichi fit l’éloge du dirigeant sud-africain. Il le félicita pour ses voyages à travers le monde, depuis sa libération de prison, afin d’obtenir un soutien international pour son mouvement anti-apartheid. Mandela s’était en effet rendu dans pas moins de trente nations d’Afrique, d’Europe et d’Amérique du Nord, dont il avait rencontré les dirigeants. Et il poursuivait maintenant avec l’Asie et l’Océanie.
Dans l’esprit d’apporter un soutien permanent au mouvement anti-apartheid, Shin’ichi émit un certain nombre de suggestions. Il proposa notamment d’accueillir à l’université Soka des étudiants de l’ANC, des jeunes appelés à prendre dans l’avenir la responsabilité du développement de l’Afrique. Il se dit aussi prêt à inviter des artistes sud-africains au Japon, sous les auspices de l’Association des concerts Min-On. Il proposa également d’organiser une vaste exposition provisoirement intitulée « L’apartheid et les droits humains », qui, en collaboration avec des organisations internationales compétentes, pourrait également être montrée à travers le monde. Il suggéra enfin d’organiser au Japon une exposition de photographies sur le thème de la lutte contre l’apartheid, ainsi que des séminaires autour de la question des droits humains portant sur l’apartheid et sur d’autres sujets.
Shin’ichi avança toutes ces propositions parce qu’il était profondément convaincu qu’il fallait non seulement favoriser l’amitié entre le Japon et l’Afrique du Sud par le biais d’échanges éducatifs et culturels, mais aussi sensibiliser la population à l’apartheid et étendre au Japon et au monde entier le soutien à la protection des droits humains.
Il est essentiel d’agir pour transformer la conscience des gens afin de créer une ère des droits humains.
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Shin’ichi confia à Nelson Mandela combien il avait été touché par ses actions. Il était à ses yeux un grand éducateur humaniste, au sens le plus large, et il annonça que l’université Soka souhaitait lui décerner sa plus haute distinction, en reconnaissance de ses efforts. Le président de l’université Soka, également présent lors de cette rencontre, remit alors un prix à M. Mandela.
Shin’ichi évoqua ensuite la richesse infinie de la flore d’Afrique du Sud, notamment dans la région du Cap, qui comptait plus de 7 000 espèces végétales. Puis il parla des « fleurs humaines », une magnifique expression employée dans le Sûtra du Lotus, qu’il présenta comme le roi de tous les écrits bouddhiques.
Les « fleurs humaines » sont mentionnées dans le chapitre « La Parabole des herbes médicinales » (5e) du Sûtra du Lotus (cf. SdL-V, 116). Dans ce chapitre, les êtres vivants, dotés de qualités et de capacités diverses, sont comparés à une grande variété de plantes, tandis que les enseignements du Bouddha sont comparés à la pluie qui tombe avec impartialité pour nourrir toutes ces plantes, permettant ainsi à leur nature de bouddha de s’épanouir pleinement.
Comme l’illustre le Sûtra du Lotus, le bouddhisme s’oppose depuis sa naissance à toutes les formes de discrimination. Il rejette les discriminations fondées sur les castes ou classes sociales, l’appartenance ethnique, la nationalité, la religion, la profession ou l’origine. Cela lui a valu d’être confronté à de nombreuses persécutions de la part des institutions et des autorités au pouvoir.
Nichiren se définit lui-même comme le « fils d’une famille de chandala ». (Écrits, 203) S’identifiant à ceux qui appartiennent aux classes les plus marginales et sont la cible de discriminations, il lutta pour répandre la philosophie bouddhique de l’égalité absolue.
Shin’ichi souligna que la SGI, qui reflète l’histoire et les principes du bouddhisme en matière de lutte pour les droits humains, œuvrait au développement d’un mouvement pour la paix, la culture et l’éducation, fondé sur un bouddhisme ouvert à tous. Dans une perspective à long terme, il ajouta que la cause de l’essor d’une nation était à l’évidence l’éducation. Plus le nombre d’individus informés et conscients s’accroît, et plus il y a de gens en mesure de percevoir la véritable nature de leur société et d’établir une claire distinction entre le juste et l’erroné, le bien et le mal.
Shin’ichi offrit aussi au héros des droits humains sud-africain un poème qu’il avait écrit à son intention, pour lui dire tout son respect et son admiration.
Permettez-moi de vous adresser mes plus grands éloges
pour la puissance immense de votre esprit
et pour la force indomptable de vos convictions.
Avec le plus profond respect, je déclare que vous,
qui incarnez fièrement la Conscience de l’Afrique,
êtes pour moi un compagnon sur la voie de la spiritualité
et de l’humanisme.
Serment 35
Quand l’interprète eut terminé la lecture du poème, Shin’ichi se leva et serra fermement la main de ce valeureux combattant des droits humains qu’était Mandela.
Ce dernier parut profondément ému par cette poignée de main. « N’oubliez jamais que vous avez des amis au Japon et partout dans le monde, lui dit Shin’ichi. Et leur nombre ne cessera de croître dans l’avenir. »
Shin’ichi déclara aussi avoir été très impressionné par la conclusion de l’allocution prononcée par Mandela juste après sa libération de prison, en février 1990. Il avait alors repris les paroles qu’il avait prononcées lors de son procès, vingt-six ans plus tôt [le 20 avril 1964]. Shin’ichi les lut à voix haute :
« J’ai combattu la domination blanche, et j’ai combattu la domination noire. J’ai défendu l’idéal d’une société démocratique et libre, dans laquelle tous les individus vivraient en harmonie et bénéficieraient de chances égales. C’est un idéal pour lequel j’entends vivre et que j’espère voir se réaliser. Mais c’est aussi un idéal pour lequel, s’il le faut, je suis prêt à mourir2. »
« Tout votre esprit est concentré dans cette déclaration. J’ai, moi aussi, suivi la voie d’un combattant pour la paix, les droits humains et la justice, et c’est pour cela que ces mots trouvent toujours un écho si profond dans mon cœur.
— Ce qui ressort avant tout de notre rencontre d’aujourd’hui, ce sont vos paroles de sagesse, répondit Mandela. Les médailles peuvent être détruites, les récompenses honorifiques brûlées. Mais les paroles de sagesse sont impérissables. En ce sens, le cadeau que vous nous offrez en ce jour a plus de valeur que n’importe quelle médaille ou récompense. Après avoir entendu vos paroles, mes compagnons et moi partirons d’ici encore meilleurs qu’à notre arrivée. Je ne vous oublierai jamais.
— Je pense que c’est vous qui méritez toute ma reconnaissance », dit à son tour Shin’ichi.
Un dialogue authentique est une source d’inspiration et de développement réciproques.
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Shin’ichi Yamamoto et Nelson Mandela poursuivirent leur conversation animée. Les cinquante minutes prévues pour leur rencontre parurent ne durer qu’un instant. Alors qu’ils marchaient ensemble, au terme de leur entretien, Shin’ichi dit : « Tous les grands dirigeants font l’expérience des persécutions. C’est une constante dans l’Histoire. Surmonter ces persécutions et triompher dans son combat, voilà ce qui fait la grandeur d’un être humain. Vous continuerez sans aucun doute à être la cible d’attaques insidieuses, mais on vous rendra pleinement justice dans cent ou deux cents ans. Prenez bien soin de vous ! »
D’une certaine façon, Shin’ichi s’adressait aussi à lui-même. Les cœurs de ces deux hommes, qui luttaient pour le bonheur de l’humanité, trouvaient l’un dans l’autre un écho chaleureux.
Après sa rencontre avec Nelson Mandela, Shin’ichi poursuivit avec encore plus de vigueur sa diplomatie citoyenne au service de la paix. Chaque rencontre représentait des efforts sincères pour créer un courant d’inspiration mutuelle, grâce à des échanges au niveau le plus profond.
En novembre 1990, un mois après sa rencontre avec Nelson Mandela, Shin’ichi rencontra successivement plusieurs dirigeants africains, notamment l’ancien président du Nigeria, Yakubu Gowon, et le président de Zambie, Kenneth Kaunda. Le même mois, il s’engagea aussi dans des dialogues avec le président bulgare, Jeliov Jelev, et le président turc, Turgut Özal. L’année suivante, en 1991, il rencontra la présidente des Philippines, Corazon Aquino, le président allemand, Richard von Weizsäcker, le Premier ministre britannique John Major, et d’autres personnalités.
Dialoguer, partager ses espoirs de paix, et forger des liens de cœur à cœur – telle est l’approche délibérée et graduelle qui permet de résoudre les problèmes. Un véritable dialogue se poursuit jusqu’à ce qu’il porte ses fruits. Cela nécessite beaucoup de persévérance et de ténacité sur le plan spirituel.
En revanche, ceux qui adoptent une approche extrémiste qui ne tolère pas de réplique ont souvent recours à l’agressivité, en raison de leur faiblesse intérieure. C’est en réalité une proclamation de défaite de leur humanité, qui les conduit à dépendre de la violence et d’autres formes de coercition pour parvenir à leurs fins.
Unir les cœurs des êtres humains par le dialogue est la force qui permet de créer un réseau pour la paix.
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Shin’ichi rencontra non seulement les présidents et Premiers ministres de divers pays, mais aussi des personnalités de premier plan dans les domaines académique, artistique et éducatif – en Europe, Asie, Océanie, Amérique du Nord, central et du Sud, et en Afrique.
Pendant la seule période comprise entre décembre 1990 et juin 1991, il rencontra Sverre Lodgaard, directeur de l’Institut de recherche sur la paix d’Oslo (Prio), René Simard, vice-recteur de l’université de Montréal, John Montgomery, professeur émérite de l’université Harvard, Federico Mayor Zaragoza, directeur général de l’UNESCO, José Abueva, président de l’université des Philippines, Charles K. Kao, vice-chancelier de l’université chinoise de Hong Kong, et Ricardo Popovsky, recteur de l’université de Palermo en Argentine.
De plus, dans ses efforts pour forger des liens authentiques avec des dirigeants et des intellectuels du monde entier, Shin’ichi engagea non seulement des dialogues amicaux mais offrit également à un grand nombre de ses interlocuteurs des poèmes dans lesquels il exprimait ses pensées et son admiration.
En Chine, il composa des poèmes pour Zhao Puchu, président de l’Association bouddhiste de Chine ; Mme Deng Yingchao, directrice de la Conférence consultative politique du peuple chinois, épouse du défunt Premier ministre Zhou Enlai ; et Ding Shisun, président de l’université de Pékin. En Union soviétique, il offrit des poèmes au regretté Rem Khokhlov, recteur de l’université de Moscou, à Valentina Terechkova, directrice de l’Union des sociétés soviétiques pour l’amitié et les relations culturelles avec les pays étrangers ; au président Mikhaïl Gorbatchev, et à d’autres encore. Il écrivit aussi des poèmes pour des personnalités comme le Premier ministre indien Rajiv Gandhi, l’ancien secrétaire d’État américain Henry Kissinger, le président argentin Raúl Alfonsín, le recteur de l’université nationale principale de San Marcos, au Pérou, Juan de Dios Guevara, ainsi que l’ancienne Première ministre britannique, Margaret Thatcher.
Chacun a dans le cœur des cordes sensibles, invisibles et dorées. La poésie peut toucher ces cordes sensibles profondes et composer en définitive une mélodie pour l’amitié et la paix très inspirante.
La personne qui croit véritablement dans des idéaux
découvrira que ses idéaux sont ses alliés.
La personne qui exerce véritablement la justice
découvrira que la justice est son amie.
La personne qui protège véritablement le peuple
découvrira que le peuple est à ses côtés.
Ces lignes sont extraites du poème Ô mère des Philippines aux victoires éclatantes !, adressé par Shin’ichi à la présidente des Philippines, Corazon Aquino, qui se dressa pour le peuple de son pays afin de perpétuer la cause défendue par son époux, mort assassiné.
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Shin’ichi composa aussi inlassablement des poèmes pour ses amis pratiquants du monde entier, qui se consacraient sans cesse à kosen rufu, afin de les encourager et de leur offrir des orientations pour leurs activités bouddhiques et pour leur vie.
En 1981, lors de son voyage en Europe et en Amérique du Nord, il offrit des poèmes aux membres de la jeunesse de France et des États-Unis3. La même année, durant un voyage d’encouragements à Kyushu, notamment dans les préfectures d’Oita et de Kumamoto, il écrivit : Jeunes, escaladez la montagne de kosen rufu du XXIe siècle ! pour les membres de la jeunesse du Japon et du reste du monde. Par la suite, il mit toujours plus d’énergie dans de longs poèmes destinés aux pratiquants.
Ainsi, au cours de la seule année 1987, il écrivit Lève-toi, soleil du siècle (pour la SGI-États-Unis), Fleurs de Panama (pour la SGI-Panama), Le Courant éternel de l’Amazone (pour la SGI-Brésil), Le Grand Soleil des Caraïbes (pour la SGI-République dominicaine), Fleurs de la culture, château de la vie (pour la SGI-France), Faites résonner les cloches de la nouvelle renaissance (pour la SGI-Italie), À travers les sept mers et au-delà, vers le siècle de l’humanité (pour la SGI-Royaume-Uni), Symphonie de paix sur le Rhin (pour la SGI-Allemagne) et Arc-en-ciel sur le Niagara (pour la SGI-Canada).
Cette même année, Shin’ichi offrit également des poèmes aux pratiquants japonais, notamment Vents du bonheur dans le ciel de Chubu et Havre de verdure – une ode à Shikoku. L’année suivante, outre Le Dôme de la paix, chant de triomphe pour les pratiquants d’Hiroshima, il offrit des poèmes pour Hokuriku, Okinawa et Tohoku, ainsi que pour chaque préfecture et région du Japon et chaque arrondissement de Tokyo.
Dans Arc-en-ciel sur le Niagara, dédié aux membres de la SGI du Canada, il écrivit :
Nichiren dit :
« La Loi ne se propage pas d’elle-même.
Parce que les gens la propagent,
les gens comme la Loi sont dignes de respect. »
Voilà pourquoi, mes amis,
vous devez polir votre caractère en profondeur,
car la foi se manifeste dans la vie quotidienne
et se reflète dans votre personnalité.
C’est à nous de démontrer
qu’une forte croyance
crée une personnalité bien équilibrée
et peut tout embrasser avec compassion.
Seul l‘éclat de notre caractère
permettra d’élargir
le cercle de la Loi sans cesse et à jamais.
À travers ses poèmes, Shin’ichi offrait aux pratiquants des orientations et des encouragements pour leur vie et pour leur foi, tout en leur insufflant espoir et courage.
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Au cours de la décennie qui suivit sa démission en tant que troisième président de la Soka Gakkai [en 1979], Shin’ichi Yamamoto voyagea et dialogua sans relâche pour créer le grand courant de kosen rufu, avec le souhait d’ouvrir la voie à la paix mondiale.
Or, à cette époque, le monde s’approchait d’un tournant majeur – la fin de la guerre froide.
Cette division du monde en deux camps ou blocs – Est et Ouest, communiste et capitaliste – remontait à la conférence de Yalta, en février 1945, quelques mois avant la fin de la Seconde Guerre mondiale. Les dirigeants alliés – le président américain, Franklin Roosevelt, le Premier ministre britannique, Winston Churchill, et le Premier ministre soviétique, Joseph Staline – s’étaient réunis dans la ville de Yalta, au sud de la péninsule de Crimée, où ils avaient conclu des accords concernant les programmes de l’après-guerre, la création des Nations unies, l’entrée en guerre de l’Union soviétique contre le Japon et d’autres sujets.
Ainsi fut créé le cadre de l’ordre mondial de l’après-guerre, à partir duquel les pays d’Europe furent divisés en deux blocs : le bloc capitaliste occidental, allié aux États-Unis, et le bloc communiste de l’Est, allié à l’Union soviétique. Après la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis et l’Union soviétique s’engagèrent dans une course permanente aux armements nucléaires pour atteindre leurs objectifs. Pour l’Union soviétique, il s’agissait de répandre le socialisme dans le monde entier et, pour les États-Unis, de placer les autres pays sous leur sphère d’influence.
Comme il n’y eut pas d’engagement militaire direct entre ces deux puissances nucléaires, ce conflit a été qualifié de « guerre froide », mais il y avait toujours le danger imminent qu’il dégénère en « guerre chaude ».
Tandis que les tensions s’exacerbaient, en 1961, un mur séparant Berlin-Est de Berlin-Ouest fut construit en Allemagne, et il fut interdit aux citoyens des deux zones de se rendre librement dans l’autre zone.
La crise des missiles de Cuba, en 1962, fit prendre douloureusement conscience au monde que la situation était instable et pouvait dégénérer à tout moment en une guerre nucléaire totale entre les États-Unis et l’Union soviétique.
Le conflit entre les blocs de l’Est et de l’Ouest s’étendit à l’Asie et à d’autres parties du monde, conduisant à des guerres tragiques comme celle du Vietnam.
De plus, des tensions apparurent au sein de la sphère socialiste entre l’Union soviétique et la Chine, ce qui accentua encore les divisions et la complexité d’ensemble du conflit.
La division engendre la division. C’est pour cela qu’il est si important d’établir une philosophie unificatrice qui nous ramène à un dénominateur universel : notre humanité commune.
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Le monde est en évolution constante. Aucune époque n’est statique ; aucune société ne reste immobile. Même dans les situations qui semblent définitivement gelées, la glace finit par fondre.
Shin’ichi Yamamoto était convaincu que l’histoire humaine se dirigerait à coup sûr vers la paix et l’unité – ou, plutôt, il était déterminé à faire tout ce qui était en son pouvoir pour qu’il en soit ainsi.
Finalement, les États-Unis et l’Union soviétique prirent des mesures pour apaiser les tensions. En 1969, les deux pays s’engagèrent dans des négociations sur la limitation des armes stratégiques (SALT). Dans les années 1970, ces négociations aboutirent finalement à deux traités, connus sous le nom de SALT I et SALT II. Bien que ce dernier ne fût jamais ratifié, la signature d’accords sur la limitation des armements stratégiques fut néanmoins un événement historique, tant pour les deux adversaires que pour le monde en général.
Pendant que tous ces événements avaient lieu, Shin’ichi demeurait profondément préoccupé par l’exacerbation des tensions entre la Chine et l’Union soviétique, une situation qui pouvait entraîner des répercussions graves pour le Japon, voisin de ces deux pays, et pour la paix en Asie.
Lors d’une réunion générale du département des étudiants, en septembre 1968, Shin’ichi émit plusieurs propositions concernant la Chine, notamment la normalisation des relations diplomatiques entre le Japon et la Chine, et l’admission de la Chine au sein des Nations unies. Ces propositions découlaient non seulement de son désir de promouvoir des relations amicales durables entre le Japon et la Chine, mais aussi de sa conviction que, si l’on souhaitait réaliser la paix mondiale, il ne fallait pas laisser la Chine isolée de la communauté internationale.
Par la suite, en tant que citoyen agissant à titre privé, il invita personnellement les dirigeants chinois et soviétiques à avancer sur la voie de la réconciliation.
Entre mai et juin 1974, six ans après avoir émis ses propositions à la réunion générale des étudiants, Shin’ichi se rendit en Chine pour la première fois. Il y rencontra le vice-Premier ministre, Li Xiannian. En septembre, il fit sa première visite en Union soviétique, lors de laquelle il rencontra le Premier ministre, Alexis Kossyguine, qui lui certifia, sans aucune ambiguïté, que la superpuissance soviétique n’avait aucune intention de s’attaquer à la Chine. Au cours de sa deuxième visite en Chine, en décembre de la même année, Shin’ichi transmit ce message aux dirigeants chinois et rencontra également le Premier ministre Zhou Enlai.
Tous ces efforts étaient motivés par son désir sincère de trouver une solution au conflit entre les deux pays, au nom de la paix et du bonheur de l’humanité.
Rien ne pourra jamais être accompli si l’on renonce en cours de route. La paix est une lutte contre la résignation.
- *1Traduit de l’anglais. Barbara Hutton, Robben Island: Symbol of Resistance, édité par Josie Egan, Johannesburg, SACHED Books, 1997, p. 55.
- *2Nelson Mandela, Conversations avec moi-même, De la Martinière, Paris, 2010, p. 130-131.
- *3Il s’agit des poèmes À mes chers jeunes champions français de la Loi merveilleuse et À mes chers jeunes amis américains, bodhisattvas surgis de la Terre.