Partie 1 : Le bonheur. Chapitre 6
Le principe du « cerisier, du prunier, du pêcher et de l’abricotier » [6.10]
6.10 La sagesse pour soutenir le potentiel positif de chacun
Dans sa Proposition pour la paix commémorant le 23e anniversaire de la fondation de la SGI, en 1998, le président Ikeda évoque le principe bouddhique du cerisier, du prunier, du pêcher et de l’abricotier, véritable outil pour créer de nouvelles valeurs en transcendant toutes les différences afin de bâtir un monde d’harmonie et de coexistence pacifique.
Éduquer ne signifie pas contraindre les gens à entrer dans un moule unique, rigide et uniforme ; ce serait là de l’endoctrinement idéologique pur. L’éducation représente plutôt le moyen le plus efficace de renforcer le potentiel positif, inhérent à chacun – le sens de la modération, l’empathie, et le respect de la personnalité et du caractère uniques de chaque personne. Pour cela, l’éducation devrait passer par des rencontres et interactions personnelles, y compris spirituelles, entre êtres humains, entre celui qui enseigne et celui qui apprend.
Les enseignements bouddhiques, pour exprimer la valeur de la diversité, se servent de l’analogie des arbres fruitiers – le cerisier, le prunier, le pêcher et l’abricotier –, qui fleurissent et portent des fruits chacun à leur façon. En d’autres termes, chaque être vivant détient un caractère, une individualité et une raison d’être qui lui sont propres. De la même manière, les gens devraient développer leurs capacités uniques en faveur d’un monde coopératif dans lequel tous les êtres humains reconnaissent tant leurs différences que leur égalité fondamentale, un monde au sein duquel l’on cultive une riche diversité de peuples et de cultures, et où chacun vit dans le respect et l’harmonie.
En 1991, le regretté Pr David L. Norton, philosophe américain réputé qui connaissait parfaitement la philosophie pédagogique de Tsunesaburo Makiguchi, a livré ses réflexions sur le modèle bouddhique de la diversité, dans un discours dont voici un extrait :
« Dans la perspective à venir d’un monde réorganisé, notre responsabilité en tant qu’éducateurs est de sensibiliser nos élèves au respect et à la reconnaissance des cultures, des croyances et des pratiques qui diffèrent des leurs. Ce ne sera possible qu’en admettant que les autres cultures, croyances et pratiques incarnent des aspects différents de la vérité et de la bonté, à l’image des fleurs du cerisier, du prunellier, du prunier, et du poirier, qui incarnent chacune la beauté de manière distincte. Pour y parvenir, nos élèves vont devoir abandonner le postulat selon lequel les croyances et les pratiques qu’ils connaissent le mieux détiennent le monopole de la vérité et de la bonté. Ce postulat est appelé “esprit de clocher”, ou étroitesse d’esprit lorsqu’il s’agit du résultat innocent de l’ignorance, mais il alimente aussi l’absolutisme agressif de l’esprit de clan1».
Peu de temps après la Seconde Guerre mondiale, alors que la confrontation idéologique Est-Ouest s’envenimait, le deuxième président de la Soka Gakkai, Josei Toda, a parlé de l’unité originelle de l’humanité, appelant à l’émergence d’une « famille mondiale ». Son appel s’inscrit dans la lignée de ce nous appelons aujourd’hui la « citoyenneté mondiale », et cherchait à transcender les limites d’un nationalisme purement égocentrique et fanatique. Certains croient qu’un conflit entre les civilisations est inévitable. Je pense, quant à moi, qu’un tel conflit n’interviendrait pas entre les civilisations elles-mêmes, mais entre la part sombre tapie au cœur de chacune d’elles. Si les gens de traditions culturelles différentes sont prêts à travailler ensemble, à long terme, pour établir des liens durables fondés sur la tolérance, plutôt que de céder à la tentation de dominer et d’exercer leur influence sur les autres par l’usage de la force, la culture humaine sortira enrichie, dans son essence même, de cette interaction, et les différences donneront naissance à de nouvelles valeurs.
La religion doit avoir pour rôle d’apporter la sagesse qui propulse l’action dans la direction d’un essor et d’une progression réciproques. En ce sens, le bouddhisme enseigne qu’une des significations de « myo » (merveilleux) est « ouvrir ». (Écrits, 146) La quête continuelle de la progression et de l’essor, le désir de faire apparaître des potentialités latentes sont une caractéristique spécifique à la vie humaine. De nos jours, le monde recherche de toute urgence une religion qui réponde à ce souhait d’accomplissement et de développement.
La triste réalité historique, cependant, est faite de rivalités interminables, de bains de sang et de tragédies, qui ont pour origine la religion et les différences religieuses. Comme l’écrit Nichiren : « La véritable voie [de la vie] se trouve dans les affaires séculières de ce monde. » (Écrits, 1133) Cela signifie à mon sens que, pour éviter de répéter les erreurs du passé, les religions doivent se donner pour priorité absolue de répondre aux besoins des personnes ordinaires dans leur vie quotidienne et de trouver des solutions aux problèmes auxquels est confrontée la société. De cette manière, elles pourront fournir le socle spirituel à une concurrence pacifique.
Un avenir plein d’espoir peut s’ouvrir, en surmontant ce que M. Toda dénonçait comme étant un narcissisme étroit et en encourageant la concurrence humanitaire telle que la prônait M. Makiguchi, ainsi que les efforts partagés pour créer des valeurs entre des individus qui s’engagent à vivre ensemble en tant que voisins, à l’échelle mondiale. C’est là l’objectif primordial du mouvement de la SGI, que nous désignons sous le nom de « révolution humaine ».
D’après la Proposition pour la paix commémorant le 23e anniversaire de la fondation de la SGI, le 26 janvier 1998
La Sagesse pour créer le bonheur et la paix est une compilation des écrits de Daisaku Ikeda sur une base thématique.
- *1« Human Education for World Citizenship » (Une éducation humaine pour une citoyenneté mondiale), Discours prononcé au département des éducateurs de la Soka Gakkai, à Osaka, le 22 octobre 1991.